Née d’une « lignée de serfs », dans un petit village de la Loire, Monique Romagny-Vial passe son enfance et son adolescence à Roche-la-Molière, petite ville alors minière, proche de Saint-Étienne. Elle effectue des études de philosophie et de psychologie et devient formatrice d’enseignants spécialisés, puis enseigne la psychologie de l’enfant et entre dans la recherche. Ses travaux, principalement historiques et épistémologiques, portent sur école, handicaps, écoliers en difficulté. Presque toute sa vie d’adulte se passe à Paris. Chronique d’une parvenue (Paris, Arcantère, 1986 ; La Chapelle-Montligeon, Mémoires et Cultures, 2006) et La normalienne (Auxerre, Rhubarbe, 2016) rendent compte de son vécu de « transfuge », transplantée dans la capitale et confrontée au mépris de classe, mais aussi aux avatars féminins d’une époque où contraception et avortement sont interdits. On trouve trace de ses expériences professionnelles dans nombre de ses textes. Romans apparentés au roman noir ou policier et nouvelles « acides », mais surtout histoires de tous les jours constituent l’essentiel de ses productions, avec des personnages centraux souvent féminins. Sa démarche vise à une écriture qui marie langue orale et écrite, narration et parole intérieure, événement et émotion : « Le langage objectif est toujours contre les colonisés », disait Franz Fanon. N’est-il pas aussi contre les handicapés, les exploités, les gosses de banlieue, etc. ? L’écriture de l’écrivain, consacrée à travailler les mots, le non-dit, le subjectif, l’unique, tente non de parler du handicap ou des handicapés, mais de donner vie à Jean en fauteuil au travers des embûches de la ville, à Marie sous les quolibets de gamins qui la traitent de naine, à Pierre aux marges du délire. Ainsi, paradoxalement, ambitionne-t-elle que tous, handicapés ou valides, hommes ou femmes, noirs ou blancs, jeunes ou vieux, nous devenions Jean, Marie ou Pierre, nous reconnaissant en eux dans l’universel intime des émotions et de la chair.